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Kahalani sort de la maison. La nuit est tombée maintenant. Elle
trébuche dans les racines du grand manguier et rentre chez elle. Elle mange un
peu de riz qui est cuit dans la cocotte, prend quelques morceaux de taro, un
gros sac ventru et file discrètement vers le grand marae.
La course de Kahalani est régulière et le mince croissant de lune
brille assez pour qu’elle puisse apercevoir les pièges du bas-côté, tandis que
de temps en temps, quelques rares voitures la croise. On dirait que ses pieds
glissent sur le chemin. Kahalani… et à la voir, on pourrait croire à un de ces
esprits dont on croit juste sentir la présence… et qui fait naitre un frisson…
moitié plaisir, moitié angoisse
Elle vient de passer la pointe Vaionohu et elle sait que la moitié du
chemin est faite. Elle change son sac d’épaule et continue son chemin.
Elle pense aux évènements de tous ces derniers jours… l’arrivée de
Roald… comment elle a été attirée par le regard de ce garçon et comment elle
est allée vers lui… elle, la timide Kahalani.
Kahalani est amoureuse de Roald au point de prononcer son nom plusieurs
fois par jour dans sa tête et de l’appeler, mais elle sait depuis peu que le
garçon qu’elle a choisi est en danger.
À mesure qu’elle se rapproche de l’endroit sacré, elle sent son cœur
qui s’affole. Elle sera en retard, alors, elle accélère sa course et ses longs
cheveux noirs voltigent autour d’elle, la faisant encore plus ressembler à un
esprit… Des branches la cinglent, des gouttelettes de sang apparaissent sur sa
peau, mais elle n’y fait pas attention, elle ne s’arrêtera qu’à l’entrée du
marae.